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Art-thérapie et médiations artistiques

Rédigé le Samedi 11 Mars 2023 à 15:39 | Lu 4 fois modifié le Samedi 11 Mars 2023

Extrait de l'ouvrage de Bétarice Géneau :

L’art-thérapie n’a de cesse de questionner les marques de son intervention.

Si son existence n’est pas nouvelle, elle mérite d’être à ce jour éclairée par les recherches actuelles et la clinique afin de l’ouvrir à une réalité sociale, institutionnelle, pour qu’elle ne soit plus confondue avec d’autres domaines qui œuvrent comme elle dans le champ du soin. On observe qu’une confusion est souvent maintenue entre atelier de création, appelé aussi médiation artistique, et l’art-thérapie tant ces domaines s’appliquent à risquer l’art comme pari thérapeutique.

La frontière semble alors fragile si nous ne prenons pas le temps de nous attarder sur la pratique effective de ces différents métiers.
Le titre même de l’art-thérapie ouvre à cette facilité de rendre l’art thérapeutique sans prendre soin de s’ouvrir au trait d’union ainsi qu’à une réalité clinique qui vient au-delà des effets escomptés.
 
Finalement l’art s’ouvrirait comme fauteur de troubles pour l’imaginaire persistant à assigner au mot « art » un bienfait thérapeutique. Mais est-il le seul au cœur de cette confusion ?

Mon cheminement personnel et artistique m’a conduite à me former à l’art-thérapie et c’est cette formation qui m’a permis de saisir que l’art- thérapie ne donnait pas lieu à une pratique artistique ou à un prolongement d’une démarche artistique.

Si la distinction entre ces deux métiers nous a été posée dès mon entrée à Profac, j’ai pu ressentir une certaine confusion lors de mes stages effectués en institution en tant qu’apprentie art-thérapeute.

Ce passage liant clinique et théorie me permet de proposer une réflexion sur deux métiers afin d’en tisser les contours respectifs pour tenter de distinguer deux identités professionnelles : celle de l’art-thérapeute et celle de l’animateur ou médiateur, afin qu’elles puissent coexister au sein d’une même institution sans se court-circuiter. Cette  ébauche  permettra,  je  le  souhaite,  aux professionnels ou non, de se faire une représentation plus édifiante de ces deux pratiques.

Je suis partie d’un constat général assimilant bien souvent art-thérapie et médiations artistiques sans pour autant toujours parler symboliquement d’art- thérapie.

L’art-thérapie offre encore cette image de l’art accordé à une dimension thérapeutique : l’art donnant lieu à des bénéfices visibles.
Ce qui est bien souvent proposé, sous l’appellation d’art-thérapie, s’apparente davantage à des ateliers de création intégrés en termes d’activité au sein de l’institution.

La manière dont ces ateliers sont organisés dépend beaucoup des professionnels qui en ont la charge : du personnel soignant (infirmier, éducateur…) au personnel extérieur (animateur, artiste…).

Les professionnels exerçant deux métiers au cœur de l’institution sont assez souvent nommés cliniciens animateurs1, tandis que les intervenants extérieurs sont référencés selon leur profession extérieure à l’institution (artiste-animateur, animateur, etc.).

Ainsi, si je m’appuie sur l’animatrice en maison de retraite, j’observe, lors de mon stage, que cette professionnelle exerce à temps plein et partage son temps entre les résidents de l’unité protégée souffrant de troubles de la mémoire et ceux qui sont considérés comme plus autonomes. Elle leur propose des activités dites « d’animation et de convivialité ».

Chaque matin, elle présente aux résidents de l’unité protégée des activités telles que la pâtisserie, le dessin, un temps d’écoute de musique. La suite des activités est prise en charge l’après-midi par les aides-soignantes. Par exemple, le prolongement de l’activité pâtisserie peut consister à faire cuire la pâte à crêpe confectionnée le matin en vue du goûter des résidents.

Pour les autres résidents, ce sont les après-midis qui sont rythmés par des activités quotidiennes et régulières telles que jeux de société, lecture, chant, sorties, activités physiques et travaux manuels. La plupart de ces activités ne donnent pas lieu à des productions. Pourtant, tel peut être le cas lorsqu’un événement est organisé, comme la confection d’objets pour la décoration de l’établissement ou des tables de la salle à manger lors de fêtes particulières.

En revanche, dans les différentes antennes de la structure hospitalière où j’ai été accueillie, les infirmières et l’éducatrice ont mis en place des ateliers de création avec l’accord de l’institution et ce, en plus de leur fonction. Elles ont défini le statut de ce lieu dévolu à la création selon leurs propres termes : « atelier création » ou « atelier d’arts plastiques ». Il est ici question de pratiquer du dessin, de la peinture, du modelage à travers différentes techniques, mediums et supports : acrylique, aquarelle, pastel, feutres, crayons de couleur, encres, peintures en bombe et collages.

Le pas est vite franchi d’associer (souvent verbalement)  ces  activités  à  de  l’art-thérapie prenant le raccourci selon lequel c’est l’art qui ferait thérapie.

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